1° Le somnambule naturel sera bien rarement un bon magnétiseur. Il peut n'être accessible ni à l'inspiration ni au fluide forcé et concentré sur un seul point par la volonté de celui-ci. D'autres fois, son état annonce une prédisposition favorable à recevoir une impulsion.
Le somnambulisme naturel est le rêve mis en action. La pensée suit son cours pendant le sommeil des organes. C'est encore là ce qui prouve que quelque chose vit en nous, en dehors de la matière, que nous pensons et que nous vivons pendant le sommeil, de la vie active de l'Esprit, bien que nous ayons pour un temps toutes les apparences de l'anéantissement.
La vie active se continue donc chez le somnambule ; seulement elle change de forme et prend celle d'un rêve. L'Esprit agite la matière, puisque les organes physiques sont remis en action par une force énergique dont au réveil l'individu a perdu jusqu'au souvenir.
L'inspiré véritable étant imprégné d'une force puissante et inconnue, a quelque chose du somnambule naturel en ce sens qu'il obéit à une impulsion qui lui est étrangère, et qu'il cesse de la ressentir aussitôt qu'il est rentré dans son état naturel.
Le somnambule agit sous la simple inspiration qui émane de lui ; il est concentré sur un seul objet, c'est pourquoi dans tous les actes qu'il accomplit alors, il paraît bien supérieur à lui-même. Si on l'éveille, il se trouble, il s'écrie comme au milieu d'un cauchemar et cette brusque transition n'est pas sans danger pour lui.
Cet état bizarre n'attaque ni ne fatigue les organes. Ces êtres se portent très bien, parce que, tandis qu'ils agissent, l'être physique dort, se repose pendant que l'imagination seule travaille.
2° Chez l'inspiré, on peut dire qu'il y a toujours une grande somme de repos physique. Empreint d'une autre individualité, son corps ne participe pas à l'action qu'il accomplit, et son Esprit même sommeille d'une certaine façon, puisqu'on vient le forcer à s'assimiler les pensées d'un autre dont il perd ensuite jusqu'à la plus légère trace, à mesure qu'il s'éveille à la vie ordinaire.
Chez les natures dociles (et tous les somnambules ne le sont pas), ce travail de concentration, d'emparement de l'être, se fait sans lutte, c'est pourquoi ces pensées leur sont plus particulièrement données, précisément parce qu'elles n'interrompent pas le repos chez ceux à qui on les apporte.
On confond parfois les somnambules avec les inspirés, parce qu'il y a ressemblance dans les résultats.
Les uns et les autres prescrivent des remèdes. Mais l'inspiré seul est un révélateur ; c'est en lui-même que le progrès réside, puisque seul il est l'écho, l'instrument passif d'un Esprit autre que le sien, et plus avancé.
Le magnétisme réveille chez le somnambule, surexcite et développe l'instinct que la nature a donné à tous les êtres pour leur guérison, et que la civilisation incomplète au milieu de laquelle nous nous débattons, a étouffé en nous pour le remplacer par les fausses lueurs de la science.
Les inspirés n'ont nullement besoin du secours du fluide magnétique. Ils vivent paisibles, ne pensant à rien. Tout à coup un mot, obscur et indistinct tout d'abord, est murmuré à leur oreille ; ce mot les pénètre ; il prend un sens, grandit, s'élargit, devient une pensée ; d'autres se groupent à l'entour, puis l'élaboration intime étant arrivée à maturité, une force irrésistible les dompte, et, soit par la parole, soit par l'écriture, il faut qu'ils chassent au dehors la vérité qui les obsède.
Ils sont tellement imprégnés de leur objet, tellement possédés par lui, que, pendant ces heures d'élaboration ou de diversion, ils ne sont plus accessibles aux souffrances du corps, puisqu'ils ne le sentent plus et qu'ils n'ont plus conscience d'eux-mêmes, puisque, enfin, un autre vit en eux à leur place.
Peu à peu, à mesure que le souffle inspirateur les abandonne, la douleur revient ; ils reprennent possession d'eux-mêmes, ils vivent de leur volonté propre, subordonnée à leurs perceptions personnelles, et il ne reste plus, de l'apparition évanouie, rien qu'une sorte de vide dans le cerveau, suivant l'expression consacrée, mais vide qui existe en réalité dans l'organisme tout entier.
Souvent l'inspiré se trouve inconsciemment imprégné depuis longtemps de l'Esprit d'autrui. Il a, à son insu, des instants de recueillement forcé ; il sait et peut mieux concentrer des idées, tout en paraissant vivre de la vie commune et échanger avec les autres ses pensées ordinaires. Mais ses distractions sont plus fréquentes, même sans que son Esprit soit encore concentré sur une chose plutôt que sur une autre. Il flotte dans le vague ; il se laisse bercer par une sorte d'engourdissement qui est le commencement de l'infusion de communications encore au premier travail de transmission.
Par lui-même, le magnétisme ne donne pas l'inspiration : tout au plus la provoque-t-il, la rend-il plus facile. Le fluide est comme un aimant qui attire les morts bien-aimés vers ceux qui restent. Il se dégage abondamment des inspirés et va éveiller l'attention des êtres partis les premiers et qui leur sont similaires. Ceux-ci, de leur côté, épurés et éclairés par une vie plus complète et meilleure, jugent mieux et connaissent mieux ceux qui peuvent leur servir d'intermédiaires dans l'ordre de faits qu'ils croient utiles de nous révéler.
C'est ainsi que ces êtres plus avancés découvrent souvent chez celui qu'ils adoptent pour leur élu, des dispositions qu'il ne se connaissait pas lui-même. Ils le développent dans ce sens, malgré les obstacles que leur opposent les préjugés du milieu social, ou les préventions de la famille, sachant bien que la nature a préparé le terrain pour recevoir la semence qu'ils veulent répandre.
Voici un médecin demeuré médiocre parce que des considérations plus fortes que sa volonté lui ont imposé une vocation factice : l'inspiration ne fera jamais de lui un révélateur en médecine. L'Esprit ne viendra jamais lui communiquer les choses qui ont trait au métier qu'on l'a contraint d'exercer, mais bien celles qui sont en rapport avec les facultés naturelles qui, à son arrivée sur la terre, lui ont été départies pour qu'il les développât par le travail, et qui sont demeurées à l'état latent. C'était là l'œuvre qu'il devait réaliser. L'Esprit l'a remis dans la voie, et lui a fait comprendre sa véritable mission.
Le magnétisme, en tant qu'inspiration, ne peut rien pour cette créature fatalement dévoyée. Seulement, comme il y a désaccord entre les tendances que lui impriment ses fluides et les fonctions que les circonstances l'ont condamné à exercer, il est mécontent, malheureux ; il souffre, et, à ce point de vue, le magnétisme peut venir calmer un moment les regrets qu'il éprouve en présence de son avenir brisé.
C'est donc bien à tort que l'on croit généralement dans le monde que, pour être inspiré, il faut être magnétisé. Encore une fois, le magnétisme ne donne pas l'inspiration ; il fait circuler le fluide et nous remet en équilibre, voilà tout. De plus, il est incontestable qu'il développe le pouvoir de concentration.
Les somnambules du plus haut titre, ceux qui répandent autour d'eux des lumières nouvelles, sont en même temps des inspirés ; seulement il ne faut pas croire qu'ils le sont également à toutes les heures.
3° Les somnambules sont plus généralement des fluidiques que des inspirés ; alors on conçoit l'opportunité de l'action magnétique. L'attouchement, soit du magnétiseur, soit d'une chose qui lui a appartenu, peut leur donner ce pouvoir de concentration provoquée et préalablement augmentée par les passes magnétiques. Joint à la prédisposition somnambulique, le magnétisme développe la seconde vue et produit des résultats extraordinaires, surtout au point de vue des consultations médicales.
Le somnambule est tellement concentré par le désir de guérir la personne dont le fluide est en rapport avec le sien, qu'il lit dans son être intérieur.
S'il ajoute à cette disposition celle d'être inspiré, chose extrêmement rare, c'est alors qu'il devient complet. Il voit le mal ; on vient lui indiquer le remède !
Les Esprits qui viennent imprégner l'inspiré ne sont pas des êtres surnaturels. Ils ont vécu dans notre monde ; ils vivent dans un autre, voilà tout. Peu importe la forme physique qu'ils revêtent ; leur âme, leur souffle est identique au nôtre, parce que la loi qui régit l'univers est une et immuable.
Le fluide étant le principe de vie, l'animation, et notre âme ayant, grâce à des fluides différents, des attractions et par suite des destinées multiples et diverses, si, par l'action magnétique, on détourne de sa spontanéité le pouvoir de concentration sur la pensée qui doit nous être transmise, l'Esprit ne peut plus exercer son action, conserver sur nous sa même force, sa volonté intacte pour nous faire écrire, ou lire à haute voix, au monde qui en a besoin, ce qu'il est venu nous apporter.
Aussi les médecins qui dirigent les somnambules, doivent-ils éviter autant que possible de les magnétiser, sous peine de remplacer la véritable inspiration par une simple transmission de leur propre pensée.
Les somnambules, pas plus que les inspirés ou les fluidiques, ne peuvent agir sur tous leurs frères incarnés. Chacun n'est puissant que sur un petit nombre. Mais tous, en somme, y trouveront leur part, lorsqu'on n'aura plus frayeur de ces forces généreuses qui se dégagent de nous à des degrés plus ou moins intenses.
Pour les somnambules fluidiques, l'emploi du magnétisme est utile en exerçant sur eux son influence de concentration. Seulement il y a dans cet état plus encore que dans tout autre, une force d'attraction ou de répulsion contre laquelle il ne faut jamais lutter.
Les plus richement doués sont accessibles à des antipathies trop extrêmes pour qu'ils puissent les étouffer. Ils en éprouvent comme ils en inspirent. Leurs prescriptions sont alors rarement bonnes. Mais, doués ordinairement d'une grande force morale en même temps que d'une excessive bienveillance, ils acquièrent un grand pouvoir de modération sur leur personne, et s'il ne leur est pas toujours permis de faire le bien, du moins ils ne feront jamais le mal.
Il existe donc dans le somnambulisme trois degrés bien distincts.
D'abord se présente le somnambule naturel, qui peut rester sans aucune action sur personne, bien qu'il y soit prédisposé par la nature de son fluide.
Vient ensuite le somnambule inspiré, qui ne prend rien en lui-même, mais qui est en quelque sorte le récipient où se déversent les pensées des autres. Le magnétisme, entendons-le bien, ne lui donne pas l'inspiration. Seulement si, après l'avoir subie, il tombe dans un état de prostration qui ne lui permet pas de l'émettre au dehors, le magnétisme peut, en rétablissant la circulation fluidique, lui rendre l'équilibre détruit et le remettre en possession de lui-même.
Puis enfin il y a le somnambule fluidique, de qui la puissance curative se dégage spontanément, et qui peut, comme nous l'avons dit, être conduit à l'inspiration par l'emploi du magnétisme. Alors, c'est l'être arrivé au complet développement de ses facultés.
L'utilité du magnétisme est donc immense. D'abord, c'est un agent curatif puissant, principalement pour les affections nerveuses, que lui seul peut guérir. En outre, dans certains cas où l'homme cherche à débrouiller, à travers le chaos de ses pensées, une forme, une révélation qu'il ne sait ou ne peut trouver, il vient lui donner ce pouvoir de concentration que possèdent seuls les hommes de génie, et qui les met en situation de créer de grandes œuvres, de faire de grandes découvertes.
Nous distrayons notre intelligence, nous la gaspillons sur mille sujets divers, c'est pourquoi si rarement nous pouvons produire quelque chose de durable. Le magnétisme nous donne artificiellement et pour quelques moments, cette faculté qui nous manque ; mais il ne faut pas en abuser, car au lieu de cette force de concentration que nous lui devons, il jetterait le désordre dans le jeu des fluides et pourrait exercer une action funeste sur l'organisme.
Si l'attraction existe véritablement entre le somnambule et celui qui le consulte, alors il y a tout à parier que les prescriptions du premier seront bonnes et salutaires. Dans les cas contraires, il ne faut les accepter que sous bénéfice d'inventaire.
Souvent le somnambule et le consultant éprouvent du bien-être par leur contact réciproque, parce que l'un prend le trop-plein de l'autre, ou lui rend ce qui est en excès chez lui-même, et par ce moyen tous les deux sont remis dans leur situation normale. Aussi, les fluidiques se passionnent-ils volontiers pour ceux qui leur sont sympathiques. L'action morale se confond avec l'action physique pour agir avec elle. D'autres fois enfin le magnétiseur peut prendre la maladie de celui qu'il prétend guérir.
Il faut alors chasser par un dégagement magnétique, ce fluide qui n'est pas en harmonie avec le nôtre.
Le magnétiseur ne parvient pas toujours à guérir, parce que tout en s'emparant d'un fluide qui ne lui appartient pas et qui le fait souffrir, il a pu communiquer au patient une partie du sien qui est en désaccord avec celui-ci ; mais ces phénomènes se produiront rarement, et le magnétisme sagement administré, amènera presque toujours d'excellents résultats.
Le fluide est la pile électrique qui fait jaillir l'étincelle destinée à reconstituer un état sain et régulier.
Il arrive souvent que les individus prédisposés à recevoir l'inspiration par les fluides qui se dégagent d'eux-mêmes, sont somnambules à de certains moments lorsque l'action magnétique les domine, et inspirés dans d'autres.
Si l'on impose sa volonté à un somnambule, pour obtenir la guérison d'individus qui ne lui sont connus que par des objets qui les ont touchés, il faut, pour qu'il agisse, que les fluides se rencontrent et aient une action les uns sur les autres.
L'harmonie la plus riche naît de contrastes et de dissonances. Deux fluides semblables se neutralisent : pour qu'ils agissent les uns sur les autres, il faut qu'il y ait un point de contact seulement, et qu'il y ait opposition dans les natures.
Quand on est inspiré, on l'est souvent par plusieurs personnes à la fois et sur des sujets différents. Chacun apporte son contingent à l'élaboration commune. Seulement, certaines révélations sont immédiates et complètes, d'autres se font plus lentement et d'une manière continue, c'est-à-dire que chaque jour, chaque heure apporte son atome de vérité qui lentement s'infuse avant d'arriver à maturité et de pouvoir être mis au grand jour.
Le progrès se fait sur le globe par la succession des générations qui héritent des connaissances que le passé leur laisse ou leur apporte, et qui, par leur labeur dans le présent, préparent l'avènement de l'avenir.
Lorsqu'il plaît aux Esprits d'agir, il peut arriver qu'on soit en proie à quelque préoccupation qui absorbe et rend moins docile à s'assimiler les pensées qu'ils apportent. Souvent, alors, l'inspiration vient pour la chose que l'on désire avant que d'autres Esprits ne s'emparent du sujet pour lui dicter des choses inconnues et plus avancées.
C'est ainsi que, par une touchante précaution pour l'avenir, des remèdes sont livrés pour des personnes aimées dans les moments où elles n'en ont pas encore besoin.
D'autres fois, lorsque le péril presse, un mot vient, non pas frapper votre oreille, mais vous pénétrer et vous déborder en quelque sorte. Ce mot, c'est le nom du remède, c'est le dégagement nécessaire de votre esprit qui, étant tout rempli de cette préoccupation ardente de faire du bien, ne se prêterait pas aisément à se laisser envahir par un autre ordre d'idées. Ce sont des amis qui accourent à votre aide et apportent le soulagement pour vous ou pour ceux auxquels vous prenez intérêt.
On rencontre, dans l'état spirite ou somnambulique, autant de phases différentes que dans l'état ordinaire. Nous l'avons dit, tout suit une loi unique, immuable, et Dieu ne permet pas que le surnaturel et le miraculeux viennent jamais la renverser. Qui peut saisir toutes les nuances, toutes les pensées qui, dans un jour, traversent le cerveau d'un homme ? Les Esprits vivent comme nous ; leurs tendances, leurs aspirations sont les nôtres ; seulement, quoique bien loin eux-mêmes de la perfection, ils sont plus avancés et marchent d'un pas rapide, dégagés qu'ils sont de toutes les mesquineries de notre triste existence.
Il y a donc des médiums qui sont plus souvent et plus complètement inspirés que d'autres. Attendons, recueillons avec reconnaissance les révélations qu'il leur est permis de nous faire, mais ne violentons pas ces indiscrétions d'outre-tombe. Si ceux qui nous inspirent ont besoin de venir, ils viendront ; sinon, ils garderont le silence.
N'abdiquons jamais la puissance de notre raison. Il est des charlatans qui trompent ; il est des enthousiastes qui se trompent.
Le charlatanisme fleurit aux époques et dans les pays de despotisme, où dire une vérité nouvelle fait peur et est poursuivi à l'égal d'un crime. La terre libre de l'Amérique était plus favorable que toute autre aux hommes d'expérimentation, toujours poussés à la recherche de l'inconnu. Aussi les Américains ont-ils pu comprendre les premiers les rapports de ce monde ci avec l'autre, et constater l'existence de cette chaîne plutôt fluidique que mystérieuse, qui unit ceux qui partent à ceux qui restent.
Le Spiritisme, c'est la loi qui régit la correspondance des âmes entre elles.
Aux jours maudits du moyen âge, et même à des temps plus rapprochés de nous, alors que l'Église distribuait parcimonieusement aux hommes la lumière dont elle s'attribuait le monopole, et punissait d'une mort effroyable ce qu'elle décidait être une erreur, il fallait bien se cacher pour étudier les secrets de la nature. C'était le temps des sorciers, des alchimistes, pauvres hallucinés bien peu dangereux, ou hommes habiles qui exploitaient la crédulité populaire ; mais quelquefois aussi êtres inspirés, fluidiques ou somnambules, grands éclaireurs de l'humanité, vulgarisateurs des connaissances révélées par les Esprits perfectionnés, soulageant de leur mieux leurs frères, apportant leur grain de poussière au lent et laborieux édifice du progrès, et payant parfois de leur vie, l'œuvre providentielle qu'ils accomplissaient.
Les pythonisses étaient des somnambules ; les tireuses de cartes sont souvent des extatiques plus ou moins lucides, qui, pour frapper les imaginations vulgaires, se servent d'un intermédiaire grossier dont il leur serait facile de se passer.
Mais les hommes aiment qu'on les trompe, même pour leur apprendre la vérité.
Mesmer avait recours à un baquet, d'autres font voir l'avenir dans une carafe d'eau, d'autres encore dans un miroir magique. La science marche, on reconnaît l'inutilité de la mise en scène, la vanité des procédés matériels.
On a découvert l'existence du fluide, l'action que l'homme peut exercer sur son semblable. On est arrivé à l'adoption des procédés les plus simples. Les passes magnétiques ont suffi. Un magnétiseur puissant peut même agir par la seule force de sa volonté, les bras croisés, par le dégagement de son fluide, qui va frapper sur telle ou telle personne en rapport fluidique avec lui.
Car le magnétisme n'agit ni sur tout le monde indistinctement ; ni de la même manière sur tous. Dans une réunion nombreuse, il arrivera que, tandis qu'on voudra endormir celui-ci, c'est cet autre à l'angle opposé de l'appartement qui s'emparera du fluide.
D'autres sont inspirés ou tombent en somnambulisme lucide, spontanément, ou quand ils le veulent, ou même quand ils voudraient résister à l'influence qui les possèdent.
Dans son horreur instinctive du matérialisme et de l'anéantissement, l'homme a soif de merveilleux, de surnaturel, d'apparitions et d'évocations. De là, le succès de la magie dans le monde.
De l'Inde, son berceau, la magie passa jadis en Égypte, où on la vit soutenir des luttes contre Moïse, que l'inspiration animait d'un souffle si puissant, mais non cependant sans quelques intermittences. Israël ne traversa pas stérilement la terre des Pharaons. C'est à ce foyer vivifiant de l'Égypte que vint se réchauffer souvent le génie des sages de la Grèce.
Les croisades furent cherchées chez les Arabes le secret des sciences occultes, dont elles apportèrent l'usage en Italie, en France, en Espagne. Les Maures et les Juifs furent les premiers médecins ; on les consulta en secret, on les brûla en public, et les docteurs d'aujourd'hui croient défendre la science, en raillant dans leurs cénacles et en poursuivant devant les tribunaux, les derniers enfants perdus de ceux qui furent leurs ancêtres communs.
Mais beaucoup d'entre eux ne sont-ils pas quelque peu charlatans à leur manière ? Il n'en est plus guère qui repoussent le magnétisme d'une façon absolue. D'autres en font clandestinement, mais n'osent pas le confesser tout haut, dans la crainte de mettre en fuite leur clientèle effarouchée. Dans tous les cas, bien peu de ceux qui le nient, l'ont étudié de bonne foi, sans autre idée préconçue que le désir de s'éclairer.
Ils seront les derniers à l'admettre. Il leur en coûte d'aider de leurs mains à renverser l'échafaudage scientifique qu'ils ont eu tant de peine à édifier.
Quelle révolution terrible si, à côté de ceux qui, incontestablement, possèdent une si grande somme de science acquise, et qui n'en ignorent qu'une, - celle de guérir leurs semblables, - des êtres simples, les premiers venus, pouvaient lire à livre ouvert dans le corps humain sans avoir étudié l'anatomie, le percer du regard comme s'il était de verre, et, au lieu de ces remèdes généraux qui agissent toujours d'une manière différente, imprévue, suivant la nature de chacun, indiquer l'agent précis qu'il convient d'employer ?
Que de positions compromises, le jour où le Spiritisme et le magnétisme combinés auront remplacé, pour le plus grand bonheur de tous, la médecine si largement faillible et si ruineuse de la faculté, par cette médecine de famille qui sera à la disposition de presque tous ceux qui voudront la faire.
La chiromancie est une science d'observation au secours de laquelle viennent la phrénologie et la physiognomonie aidées de l'intuition, disposition fluidique particulière et spéciale.
Tout le monde peut observer les proéminences qui existent sur la tête, la variété infinie des traits, les lignes multiples tracées dans les mains ; seulement tout le monde n'en peut pas déduire, au juste ou à peu près, les résultats et les effets sur l'organisme. Mais le fluide qui se dégage du consultant allant frapper celui qu'il consulte, permet à ce dernier de découvrir, d'une façon plus ou moins vraisemblable, les faits du passé de l'autre, et même de prédire ce qui, suivant les probabilités, doit lui arriver dans l'avenir.
La simple pression des mains ou l'attouchement de la tête met le fluidique en vibration, par suite de la tension et de la concentration d'esprit dont il a pris l'habitude.
Ainsi s'expliquent ces faits de révélation, de prédiction, qui, lorsqu'ils viennent à se réaliser, étonnent, charment et effrayent à la fois.
Mais il n'y a rien de merveilleux ni de surnaturel dans tout cela. Les nervures de nos mains peuvent se comparer à celles des feuilles de la plante. L'ensemble, l'aspect, la forme générale, tout se ressemble, et cependant rien n'est semblable. Étudiez les feuilles : peut-être dans leur configuration découvrirez-vous si l'arbre qui les porte est plus ou moins bien conformé pour vivre longtemps ?
Nos mains sont comme les feuilles attachées à l'extrémité des branches.
Ce sont nos extrémités à nous ; elles se meuvent, agissent, nous mettent en rapport avec les autres, et c'est elles qu'on consulte pour connaître l'état général de la santé. De même que par les petites branches arrive une sève plus délicate, de même la main de l'homme est une merveille au milieu de toutes les merveilles de son corps.
C'est le bout de la tige qui, flexible et comme animée et dirigée par une intelligence particulière, se recourbe autour des appuis qui soutiennent sa faiblesse.
Ainsi, la capucine, les clématites, la glycine, la vigne… C'est donc, chez les végétaux comme chez l'homme, l'extrémité qui est douée du toucher, qui présente la partie la plus délicate, la plus parfaite.
Le tronc a la force ; la sève et le sang donnent l'impulsion ; les tiges et les mains sont les instruments dociles.
Si l'arbre porte des feuilles maigres, panachées de blanc ou de jaune, tombant aux premières bises de l'automne, il est chlorotique et l'on peut pronostiquer sûrement qu'il ne vivra pas vieux. L'homme dont les mains sont petites, froides, blanches, exsangues, ne comptera ni parmi les athlètes ni parmi les centenaires.
Comment une terre maigre et privée de sucs nourriciers pourrait-elle prodiguer une sève abondante, qui s'élancera jusqu'à l'extrémité des rameaux pour les faire croître et allonger sans cesse ?
La plante, comme l'animal, comme l'homme, prend proportionnellement à ses énergies vitales, sa part du fluide qui circule partout. Seulement la plante, l'animal, n'ayant à dépenser de leur force et de leur volonté que dans un ordre de faits plus restreint, sont doués d'un fluide moins puissant. On leur apporte leur part de progrès, mais ils ne le font pas sans y être provoqués.
L'homme, au contraire, a charge de direction. Dieu l'accepta pour son collaborateur dans l'œuvre sublime de la création. Dieu crée les types, et réserve à son auxiliaire le soin de découvrir les variétés infinies, de les multiplier, de les perfectionner sans limites. Il lui faut donc un fluide plus abondant, plus riche, pour satisfaire à sa tâche plus noble et pour accomplir la mission providentielle qui lui est réservée.
Ces différences entre les lignes des mains, les nervures des feuilles, se retrouvent sur les pattes des animaux, et partout enfin. Seulement chez l'homme et chez les créations plus avancées, ces nuances sont plus multiples, plus saisissables. Mais en descendant même jusqu'aux plus infimes, une observation attentive permettra de découvrir, dans les différents rameaux qui terminent chacune d'elles, des symptômes, des pronostics de caractère et de santé, que l'active direction de l'homme peut modifier en bien ou en mal.
C'est son droit et son devoir d'améliorer par son travail toutes les choses inférieures. La nature met à sa disposition des moyens curatifs qu'il est insensé et coupable même, de ne pas employer pour prolonger et ennoblir sa vie et celle des autres créatures, ou tout au moins pour la remettre en équilibre pendant le cours qu'elle doit avoir.
Il y a action et réaction des hommes les uns sur les autres, et sur les animaux, les végétaux, les minéraux et tout ce qui nous entoure. Aussi l'homme, l'animal, la plante ne vivent-ils pas indifféremment auprès de tous les êtres.
Une création n'a jamais eu lieu que lorsque toutes les conditions qui lui étaient indispensables, sont venues la favoriser. Mais, insoucieux de ces détails essentiels, nous prétendons acclimater les animaux sans les végétaux qui leur conviennent, sans préparer à ceux-ci les terreaux qu'ils exigent, sans étudier leurs attractions ni leurs répulsions, et sans observer si nous ne leur donnons pas des voisins avec lesquels ils seront en lutte perpétuelle.
Nos paysans placent parfois un bouc au milieu de leurs bœufs et de leurs génisses. Ils disent que c'est pour purifier l'air. Pour nous, cela l'empesterait. Mais, puisque les hôtes de l'étable laissent le bouc errer librement autour d'eux, c'est qu'un secret instinct les avertit sans doute qu'il compose ses acres senteurs avec des gaz qui seraient nuisibles pour eux et dont il change les propriétés.
Le milieu dans lequel chaque créature vit et se développe, influe énormément et sur son caractère, et sur sa santé, et sur la part d'intelligence qui lui est dévolue pour accomplir sa destinée.
L'intelligence du végétal, comme celle de l'animal, se manifeste surtout dans l'œuvre de la reproduction.
L'homme la violente souvent. Étudions les conditions dans lesquelles chaque être doit accomplir sa destinée plus ou moins importante, et les créations ébauchées que les grands cataclysmes du passé ont épargnées, feront place à des créations supérieures, et beaucoup des maux qu'elles engendrent disparaîtront avec elles.
Tout ressent donc, par l'attouchement, quelquefois même par le seul rapprochement, des commotions électriques et fluidiques qui exercent une influence salutaire ou funeste sur l'attitude générale de l'individu.
Le magnétisme n'a été inventé par personne ; il existe de toute éternité ! On n'en connaissait pas l'emploi, il était comme la vapeur, l'électricité, que l'on a niées d'abord, et qui ont cependant révolutionné le monde après quelques années d'existence. Il en sera de même de ce fluide qui, plus subtil que tous les autres, va frapper en toute liberté, et en apparence un peu au hasard, les sexes contraires, les âges opposés, les castes jusqu'ici hostiles, pour les confondre tous au sein d'une immense solidarité.
Le fluide, en effet, c'est l'attraction, loi unique de l'univers. C'est la source du mouvement moral, matériel et intellectuel, la source du progrès. La charité commande que nous ayons le pouvoir et la volonté de nous soulager mutuellement. Ce fluide commun, qui nous relie tous, afin d'établir entre nous la fraternité universelle, non seulement nous permet de nous guérir les uns les autres, mais encore, associés à notre insu avec les amis disparus qui nous ont légué en partant l'héritage de leurs travaux, il nous donne les moyens d'inventer de grandes choses qui concourent puissamment à l'avancement de tous, au bien-être universel.
Déjà nous ne nous parquons plus derrière les murailles de notre égoïsme personnel pour nous contenter d'être heureux dans notre isolement. Nous voulons que chacun soit satisfait autour de nous, et la souffrance des autres chasses de sombres nuages sur l'azur de notre beau ciel bleu.
L'enthousiasme fuit la solitude pour ne laisser éclater sa puissance entraînante qu'au milieu des foules électrisées.
C'est que ce fluide qui se dégage de chacun de nous, additionné, confondu, multiplié, se froissant et se heurtant au besoin, par ses discordes mêmes fait éclater l'harmonie.
Le travail, le plaisir même, tout ennuie lorsque nous sommes seuls. Mais qu'un ami arrive et d'autres à sa suite, et voilà la fougue qui peu à peu se développe et entraîne. Que viennent à côté des groupes rivaux, et l'enthousiasme fera enfanter des merveilles.
La communication fluidique, cette quintessence de notre être, crée l'harmonie en se dégageant de nous pour aller embraser celui qui en manque. Les forts entraînent les faibles, les élèvent pour un moment jusqu'à eux, et l'égalité règne ; elle gouverne les hommes charmés de son empire.
A bien dire, tout le monde est fluidique, puisque chacun ressent des impressions, éprouve des attractions. Seulement, les manifestations sont plus ou moins intenses, et leur influence se montre plus ou moins puissamment. Les uns s'en servent pour eux seuls, pour leur propre consommation, pourrait-on dire, et n'ont qu'une faible action sur leurs semblables. Les autres, au contraire, rayonnent au loin et exercent autour d'eux une pression énergique en bien ou en mal.
Il en est qui, ne pouvant rien sur les autres hommes, possèdent une faculté de domination puissante sur les animaux et sur les végétaux, qui se modifient et se perfectionnent plus volontiers sous leur action intelligente.
Le magnétisme étant le fluide circulant que toute créature s'assimile à sa manière et à des degrés différents, on peut voir en lui cet immense enchaînement et cette immense attraction qui unit et désunit, attire et repousse tous les êtres créés, et fait de chacun d'eux une petite unité qui va, obéissant à la même loi, se confondre dans la majestueuse unité de l'univers.
Le magnétisme qui n'est, d'ailleurs, que le procédé dont on se sert pour la concentration ou le dégagement du fluide, est cette association magnifique de toutes les forces créées. Le fluide, c'est ce circulant qui met les êtres en vibration les uns avec les autres.
Dans certains cas de délire momentané, l'attouchement d'une personne sympathique, son baiser, sa parole suffisent pour calmer le malade. On en a vu le soulager rien qu'en entrant dans sa chambre, comme aussi l'on peut voir l'excitation se produire lorsqu'une autre approche.
C'est le résultat des attractions ou des répulsions expliqué par le jeu des fluides entre eux.
On dit souvent de gens qui se marient, mais qui ne s'aiment pas :
- Ils s'aimeront plus tard !
Cela est bien peu probable, au contraire, parce que l'attraction est libre et ne se violente pas. Il est sans doute des natures peu fluidiques chez lesquelles l'estime peut suppléer l'amour ; mais les grandes et généreuses natures ne sauraient se contenter de ces sentiments tièdes.
L'indifférence prend alors la place de l'amour qui fait défaut, et il est rare que, malgré tous les plus beaux raisonnements que l'on se fait, l'un ou l'autre de ces époux mal assortis ne se laisse pas charmer par une autre personne. Peut-être aura-t-il la force de résister à son entraînement, mais il sera incurablement malheureux.
Fermons donc l'oreille à ces faux enseignements, et que les familles ne fassent jamais du mariage une affaire, une question de trafic. Dieu a voulu que l'amour présidât à la perpétuité de la création ; respectons ses desseins et ne heurtons pas les fluides. L'homme et la femme obéissent au charme, c'est la loi naturelle, et lorsqu'on tente de lui résister, on paye sa désobéissance par le malheur de l'existence tout entière.
Eug. Bonnemère.
Texte tiré de la revue spirite de 1869
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